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La chaise de la dame en bleu...
La chaise de la dame en bleu...
Depuis que j'avais un « voilier », une vieille fille ou veuve, en verres, je ne savais trop, d'un certain âge plus tout vert, mais aux yeux eux pervers, pour tuer le temps s'en venait au parc elle aussi, à la belle saison, pour écouter au kiosque les musiciens amateurs du dimanche, je la croisais régulièrement, cette maigrelette dame en bleu, au chapeau de paille, bleu, elle me saluait d'un sourire pincé en me pinçant la joue, aïe et prenait la même chaise pliante en fer... jaune soleil, un peu à l'écart de ses semblables. Moi le dimanche, en pull marine, c'est avec mon « vaurien » sous le bras que je courrais au parc, son bassin voyait en ma jeune personne un capitaine au long cours... le Colomb de Gênes, sans gêne, doublant ses concurrents sur l'onde d'huile... A vaincre sans péril on triomphe sans gloire disait mon père, amateur de Corneille, à ses heures !
Je surveillais mon bateau blanc d'un oeil et de l'autre la dame en bleu aussi... Haute en couleurs !
Elle avait ses p'tites manies, sortait à trois heures de l'après-midi, de son cabas, bleu, sa madeleine brune et sa fiole pétrole contenant un alcool fort à voir sa mimique à la gorgée... !
Quand ce n'était un livre corné et une demi-livre de cerises rouges, en cornet, noyaux jetés aux pigeons bernés lançant à leur tour un mépris dans leur jargon. Rrrou, rrrou...
Parfois un vieux monsieur en lapis-lazuli tentait une approche galante, un brin de causette, mais façon Tatie Danielle, Eve lui tirait la langue, ce qui surprenait Adam plus qu'un peu, une sale gamine qu'on aurait fessée volontiers parbleu !!
Au toutou qui passait sous son nez, hop un coup de parapluie, bleu, pointu au popotin...kaï et faisait le même coup au marchand de ballons, bleu, en crevant un ou deux dans son dos... Gonflée !! Oh la sale dame !
Si un merdaillon, mioche en pleurs, perdait son doudou, sa tétine, c'est du pied, bleu, qu'elle le ramenait à elle en le dissimulant sous sa chaise jaune soleil et en sainte femme répondait non de la tête à la mère toute retournée.
Au vendeur de roses à la sauvette, elle affichait une moue de pauvresse, et se voyait offrir avec pitié une rose, blanche, celle de la chanson, faute de bleue, pour pas un billet vert, qu'elle effeuillait avec la satisfaction d'une Cruella d'Enfer !
Méchante ou malade, je n'ai jamais su, ma foi bien un melting-pot des deux, et ce goût pour le bleu de pied en cape, dimanche après dimanche, faute de sang bleu, elle portait ce bleu roi sur sa peau blanchâtre en posant séance tenante son séant sur la même chaise, jaune soleil... On eu dit une calliphora vomitoria sur un tournesol, selon la formule de mon père, entomologiste à ses heures !
Au bord du soir et moi encore au bord du bassin, elle se levait, me resaluait d'un sourire pincé en me repinçant la joue, aïe et s'éloignait vers les grilles du parc, en fredonnant un air joué par la fanfare enjouée du kiosque, tournant sa main droite comme on le fait dans ainsi font font font... un geste qui valait le mot folle !
En la croisant le vicaire en soutane soulevait sa barrette, mon instituteur son chapeau mou noir tableau, mon père poli son canotier, imitant Maurice Chevalier à ses heures !
Un dimanche et d'autres elle n'est plus revenue au parc, la chaise, jaune soleil, fut occupée par un de ces pigeons mendiants, un bleu, comme cette dame... Le Seigneur un jour de semaine avait-il puni pour ses péchés cette vilaine mamie aux manies de diablesse en lui donnant l'apparence du dit volatile, qui sait... Je n'ai jamais su ce qu'elle était devenue, tout comme j'ignorais son prénom, je l'avais baptisée tatie Dan et pour cause et lui disais bonjour en garçon bien élevé... digne fils de son père !
Les années ont passées, j'ai grandi, je porte culottes longues, je reviens toujours au parc le dimanche, sans mon voilier, sans mon paternel, mais avec une fiancée, Danielle, ô mais une Dan qui sent si bon la douceur dans ses yeux bleus et nous nous asseyons sur ces chaises, jaune soleil, à écouter le silence, le kiosque rouillé n'a plus de voix, qu'importe, on est bien-là tous les deux, sans se faire de caprice...
Il aurait suffit peut-être à cette dame en bleu, ombrageuse, de mettre ce jaune soleil dans son coeur pour la rendre jolie...
jill bill
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Commentaires
un format "nouvelle" inhabituelle chez toi, Chère Jill, pour une histoire très réussie, de la dame en bleu qui trompe son ennui et sans doute ses regrets avec des petites mesquineries
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Jeudi 14 Juillet 2016 à 20:03
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112LORRAINEJeudi 14 Juillet 2016 à 10:10Une jolie histoire, cette dame en bleu et sa chaise jaune soleil! Un personnage qui existe sûrement, méchante tout en le cachant. Le bleu est pourtant une couleur de douceur, mais on ne peut jamais se fier aux apparences, tu viens d'en faire la démonstration!
Belle journée, chère Jill, bisous,
Lorraine
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Jeudi 14 Juillet 2016 à 20:01
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bonjour
j ai lu aussi que tu ne publie que sur défi
cela fait du bien de buller un peu
bon je retourne à mes confiotes aussi
bises amie Jill
( je passerai quand même te saluer cela me manquerait trop )
@ kénavo
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Mercredi 13 Juillet 2016 à 18:47
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Ah! Bon? j'en apprend des choses: "tu ne publies que sur défi pendant l'été...." Zut! moi qui me suis remise à l'ouvrage (agréable, agréable, oui!). Se reposer... indispensable en effet, car répondre "à TOUS les commentaires" me laissait bouche B... et cela me faisait aussi très plaisir
Aussi reviendrai-je souvent m'asseoir sur la chaise de la dame en noir.
Bonne journée,
Gisèle
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Mercredi 13 Juillet 2016 à 18:46
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Je viens de lire que tu ne publies que sur défi pendant l'été....
Alors je te propose le thème: "le défi de l'été..." vaste sujet! ;-)
Bisous
Maryline
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Mercredi 13 Juillet 2016 à 12:35
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Bonsoir jill Bill,
une dame en bleu qui fait parler d'elle d'un âge certain. Une très belle histoire attachante. Je me demande ce qu'elle est devenue cette dame au coeur glacial. Bisous et douce soirée.
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Mercredi 13 Juillet 2016 à 01:46
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bonsoir Jill
je ne reçoit plus d avis alors je passe au hasard
je profite un peu de mon été et je suis en plein dans la confiture lol
à Kénavo
bises
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Mardi 12 Juillet 2016 à 20:51
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zut! vos nouveaux articles ne sont pas signalées dans mes mails! Alors, comme je vais un peu moins mal, je cherche et trouve. En outre, mon nouvel article semble ne pas être signalé... (nulle part) ! Alors je signale... on sait jamais.
Re-bonne journée,Gisèle
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Mardi 12 Juillet 2016 à 17:38
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(un peu ressuscitée) - ton histoire me rappelle les dames qui venaient dans les jardins publics (à Paris) pour recevoir quelques centimes en échange d'un "ticket" qui permettait d' être assis (e) sur une chaise d'un dur!
Bonne journée,
Gisèle un peu mal en point
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Mardi 12 Juillet 2016 à 15:08
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Remis au goût du jour,
j'ai moi aussi un kiosque sur un de mes vieux articles de 2011
qui n'avait pas été commenté
mais ce jour là pas de dame en bleu
(si ce n'est moi dans mon accoutrement préféré:jeans, baskets tee shit)
à l'horizon...
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Mardi 12 Juillet 2016 à 11:58
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BONSOIR
j ai bien aimé cette histoire
une vilaine dame peut être , mais le ptit marin en herbe bien sympathique avec son bateau sur le bassin du parc , et qui faisait peut être rêver la dame , à des rivages lointains
kenavo Jill
bises
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Lundi 11 Juillet 2016 à 18:57
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83CamilleLundi 11 Juillet 2016 à 17:14Aujourd'hui je suis justement habillée en bleue comme souvent d'ailleurs, cela doit venir de mes habits de pensionnaire avec le béret en moins
merci pour ce texte, un peu pas comme d'habitude mais super
bonne soirée et bon début de semaine
Bises
Camille
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Lundi 11 Juillet 2016 à 18:55
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Quel bel écrit Jill, je crois que tous un jour on a croisé une Tatie Dan, mais parfois sous ces airs revêches se cache une grande solitude ou une grande méfiance ...
Pas beaucoup sur les blogs en ce moment Jill, du taf en extérieur et quelques sorties d'été par ce beau soleil ..
Bisous du cœur !
Nicole
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Lundi 11 Juillet 2016 à 18:53
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Bonjour Ma Grande
J'ai presque envi de te demander si t'es passée à la classe supérieur ^^
C'est plus quelques mots mais un texte
Faudra que je m'adapte à lire
Bonne fin de Journée ma Duduche
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Lundi 11 Juillet 2016 à 18:52
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Excellent Jill , je me suis régalée à te lire et je dois dire que oui j'en ai croisé au parc de l'esplanade pres du bassin de ce genre de dame en bleu , peut etre pas la même couleur mais le même comportement . Pas gamin mais un rien intéressée aussi par les bateaux que je mettais sur l'eau du bassin , tu me fais remonter bien loin dans mon enfance au temps où le kiosque existait où l'harmonie était dirigée par mon grand père maternel et où les chaises se louaient .
Bon lundi
Jill
Bisous
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Lundi 11 Juillet 2016 à 15:06
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J'ai adoré lire ce récit-souvenirs... et sa conclusion émouvante aussi.
Merci, jill. Cette dame avait dû bien souffrir pour devenir si méchante.
En tout cas, merci pour le beau moment de lecture.
Bisous et douce journée.
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Lundi 11 Juillet 2016 à 13:11
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Je me suis tellement laissée emporter par le texte que j'ai été surprise de voir que c'était un homme qui racontait ses souvenirs... j'avais l'impression que ça t'était vraiment arrivé...
C'est peut-être un mélange de souvenirs, de réalité et d'imagination, peu importe.
J'ai adoré l'histoire, les jeux de mots et l'humour... toujours!
Tu devrais écrire des nouvelles...
Bisous
Maryline
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Lundi 11 Juillet 2016 à 13:09
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Et voilà qu'on te voit toi mais tu portes la culotte.. sacrée jill petite farceuse..très joli ce texte. Été pourri.
Mais bientôt visite des enfants pour les 3 ans du plus grand de la fratrie..Ça me donne des ailes ces petits. Bises de Normandie. A quand ton passage par chez moi ??-
Lundi 11 Juillet 2016 à 13:07
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un bien joli texte Jill, on a l'impression que tu l'as rencontré en vrai cette vieille peste. Oui il y en a, mélange de mauvais caractère et de sénilité peut-être. Juste un regret ... Ma maman bleue était en vieille dame tout le contraire et les petits enfants du parc (pas celui-ci) l'aimaient beaucoup, les nounous aussi qui partageaient son banc et sa conversation avec plaisir. bises et belle journée
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Lundi 11 Juillet 2016 à 13:04
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Bonjour Jill
J'ai adoré te lire et surtout t'accompagner dans ce parc avec la dame en bleu
La fin est bien agreable , pas de mauvais souvenirs !
Merci pour ce beau talent d'ecriture
Bises
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Lundi 11 Juillet 2016 à 08:54
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Un très beau texte que j'ai lu avec beaucoup de plaisir. Tu écris en prose. C'est exceptionnel mais comme tu écris bien. Une femme aigrie en manque d'amour comme tu le dis si bien dans ta conclusion mais en ayant ce comportement elle ne risque pas de le trouver. Bises
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Lundi 11 Juillet 2016 à 07:13
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Coucou Jill, je te l'ai toujours dit, la prose te réussit aussi. Nostalgie sur symphonie riche en couleurs, belle nouvelle, merci ! Bizzz.
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Lundi 11 Juillet 2016 à 07:12
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le merdaillon me fait rire^^
la vilaine en bleu, moins....
beau texte, Jill^^
bon dimanche et bonne semaine à venir,chaleur supérieure à 30° jusqu'à au moins mardi, dit la météo....pfffff.....
merci Evelyne... Ici encore couvert, mais chaud déjà... Tous au parasol alors ! Belle journée à la Montagne... bises